Université d'été européenne des mouvements sociaux - retour sur 2 ateliers du 3ème jour

Compte rendu de l'atelier sur « les leçons genrées de la pandémie, comme leviers pour la transformation sociale et féministe »

animé par Murielle Guilbert de Solidaires

Participant-es : Alexandra Strickner (ATTAC Autriche), Christine Mead (ATTAC France), Assumpta Barbens (IAC syndicat des services publics Catalogne)

La pandémie a mis en lumière le rôle éminent des femmes dans cette situation de crise mondiale. A partir du constat de l'importance des secteurs les plus féminisés lors de la pandémie, des questions d'articulation vie privée vie professionnelle, du télétravail, des violences conjugales et familiales accrues posées lors de cette pandémie, que peut-on tirer d'une approche genrée de cette crise, pour en faire des leviers de luttes et de revendications vers la transformation sociale, féministe et écologique?

Un quizz a été proposé dans une première partie pour faire mesurer les effets de la pandémie sur les femmes. A travers ces questions ont été abordé :

  • l’impact de la pandémie sur l’emploi sur le court et long terme par exemple dans le monde, en ne tenant compte que de l’emploi déclaré, et pour l’année 2020 : 5 % des femmes et 3.9 % des hommes ont perdu leur emploi à cause de la crise COVID. Et il ne s’agit que de l’emploi déclaré : or, les femmes sont surreprésentées dans le travail non déclaré. Sur le plus long terme des camarades hôtesses de caisse font remonter une accélération de l’installation des caisses automatiques (disparition de 10 % des emplois sur 10 ans, puis en un an : plus d’un quart des emplois !
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  • L’impact sur le partage du Travail reproductif (non rémunéré ou non rémunéré en salaire). Avant le COVID, dans le monde, le travail domestique non rémunéré était pris en charge pour 4.1 h par jour pour les femmes et 1.7 h par jour pour les hommes. Brusquement, hommes, femmes et enfants restent confinés à la maison, sauf “métiers essentiels, 1ère ligne (métiers santé soins : 70 % de femmes) et 2ème ligne (caissières, guichetières, personnels de nettoyage, livreurs, chauffeurs de bus, vigiles, policiers, pompiers, ambulanciers : 50/50). Pendant le confinement, les femmes ont dû augmenter encore leur charge de travail domestique et éducative et jongler d’une tâche à l’autre, le télétravail occupant parfois une partie de leurs nuits. En France : 25 % des femmes et 40 % des hommes ont bénéficié d’une pièce pour télétravailler ; 850 000 personnes ont arrêté de travailler pour s’occuper des enfants “scolarisés à la maison” : en très grande majorité des femmes. Les femmes ont aussi plus été touchées par l’hyperconnectivité (répondre directement aux sollicitations) et moins nombreuses à voir leur droit à la déconnexion respecté. Ceci est aussi lié au fait que la hiérarchie suspectait plus facilement les femmes de moins travailler en télétravail…et notamment de faire les tâches ménagères et éducatives à la place!
  • Sur l’impact sur les violences conjugales :
    En France, les plaintes pour faits de viols ont augmenté en 2020 de 11%. Ce chiffre est d’autant plus important qu’il a été encore plus difficile pour les femmes de dénoncer les violences durant la période. Le télétravail en assignant un certain nombre de femmes à domicile a pu éloigner les victimes des personnes ressources (associations, etc..), et les a maintenues dans une situation où elles ne pouvaient à aucun moment échapper à leur agresseur. Ceci est valable aussi pour les violences intra-familiales.

Conclusion de la 1ère partie :

- la revalorisation salariale mais aussi d’image des métiers dits de première ligne très féminisés(santé, commerce, nettoyage, enseignement..) est une priorité !

- penser et réfléchir de manière transversale et genrée nos revendications: les inégalités existantes femmes hommes sont aggravées en situation de crise, et en lien avec les effets du capitalisme : la modification du type d’ emplois, la précarité grandissante des emplois, le recours au télétravail ne peuvent s’analyser en dehors de la question des effets sur les femmes!

- la question de la place des femmes dans les instances de décision n’est pas anodine, mais doit aussi se penser en terme de politique féministe (avoir des femmes à des postes de “gouvernance” ne suffit pas en soi).

- On ne peut dissocier la question de la santé de celle du social, également indispensable.

- Questionner le travail des plus précaires, des personnes racisées : on ne peut se contenter de les sortir de l’invisibilité, il faut aussi revendiquer leur reconnaissance

- il faut continuer à revendiquer que les tests des vaccins et soins soient effectués sur les hommes et les femmes, genrer les réponses médicales les femmes et les hommes n’ayant pas la même biologie.

- On peut aussi mettre en lumière qu’il y a une régression de par le monde des droits des femmes.

Deuxième partie interactive:

Il a été demandé aux participant-es de mentionner sur un post it une lutte dont iels avaient eu connaissance pendant ou après la pandémie.

- Exemple "évident" : Collecte et distribution de nourriture et de produits d'hygiène (dont serviettes hygiéniques) : associations caritatives certes, mais aussi nouvelles personnes bénévoles, organisations de quartiers Solidaires : chiffres du Secours Populaire : 97%de femmes dans les bénéficiaires venant chercher des colis (pour leur famille). Parmi les bénévoles : une majorité de femmes également.

- Lutte des salariés d'Amazon pour une meilleure sécurité au travail (condamnation d'Amazon à fermer tant que les conditions sanitaires n'étaient pas améliorées)

- Lutte des syndicats grande distribution (caissières) et industrie pour améliorer les conditions sanitaires

- Métiers essentiels et nouveau regard : Quelques améliorations de salaire au début ou une prime, mais caractère essentiel vite oublié après la pandémie. Et depuis, on essaie de tout informatiser, robotiser, pour rendre inutiles les travailleuses essentielles. A combattre !

La pandémie a généré de nouveaux liens entre organisations militantes, entre syndicats sur la santé et réseau de femmes du Care par exemple, parfois de manière européenne.

Des luttes comme celle des femmes de ménage à l’hôpital Tenon qui ont pu accéder à une prime, sont exemplaires.

Troisième partie: Quelles interactions entre nous présent-es pour aller plus loin, comment porter au mieux les revendications ?

Lors de la rentrée sociale les manifestations pour la revalorisations salariale devront comprendre, ces revendications de métiers féminisés prioritaires, ne pas oublier justement les leçons genrées.

Le télétravail est souvent un piège, on ne pourra négocier des accords sans avoir une approche genrée. De la même manière on ne pourra plus proposer la solution du télétravail pour permettre l’articulation vie privée, vie professionnelle dans les accords égalité femme-hommes.

Porter les revendications genrées, et peut-être particulièrement lors des grèves féministes du 8 mars est un enjeu important.

La journée mondiale de la santé du 7 avril est aussi une date clef pour porter ces revendications sur la santé.


Atelier Travailleur-euses Sans Papiers en Europe

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Animation : Nicolas Galepides (SUD PTT) et Cybèle David (Solidaires)

Intervenant-es

  • Bchira Bennia & Mariam Sidibe – Collectif des Sans Papiers 75 / Marche des Solidarités, France
  • Ivanete Ribeiro, migrante du Brésil, Confédération des syndicats Chrétiens (CSC), Belgique
  • Aboubacar Dembele & Salif Kante – délégués du piquet de grève de Chronopost & des 3 piquets RSI, DPD & Chronopost et Eddy Talbot (Sud PTT), France

Bchira Bennia & Mariam Sidibe (CSP75 / Marche des Solidarités, France)

Bchira a présenté de la lutte des sans papiers en France dans le cadre de la marche des solidarités.
Elle a décrit les trois actes de 2020 : la manifestation du 30 mai, , celle du 20 juin et la marche nationale en septembre-octobre.

Elle a expliqué comment ce mouvement né du confinement avait permis de mettre en évidence le fait que les Sans papiers étaient en première ligne et indispensable pour le fonctionnement de la société (nettoyage, santé, aide à la personne...)

Elle a présenté la campagne antiracisme et solidarité qui a commencé le 18 décembre 2021 et dont 600 associations, organisations et collectifs sont membres.
Bchira et Mariam ont témoigné de leurs expériences personnelles de migration, de vie sans papiers et de leur implication dans la CSP75 et dans les luttes pour la régularisation.

Elles ont expliquées que les Sans-Papiers sont mieux protégé-es ensemble qu’isolé-es.

→ Elles ont moins peur de manifester que de se déplacer seules dans la rue.

→ La CSP75 a un dispositif d’alerte et met en place des mobilisations en cas d’arrestation.

Ivanete Ribeiro (CSC, Belgique)

Ivanete a témoigné de son histoire personnelle : elle a fuit le Brésil après l’assassinat de sa fille.

Elle a ensuite décrit une action des travailleuses sans papiers qui a eu lieu le16 juin 2022 devant le parlement à la place de Bruxelles (journée internationale du travail domestique). Cette action est conçu avec des comédiens et avait pour objectif l'interpellation du gouvernement sur les conditions de travail de 80.000 femmes sans papiers en Belgique et leur droits et pour demander le respect de la convention sur le travail domestique.

Les conditions de travail des aides à domicile très difficiles, même pour les femmes qui ont des papiers.

Un extrait du film réalisé a été visionné : zintv.org

Avec une autre camarade du CSC, elle ont parlé du projet de grève générale européenne le 16 juin prochain pour les Sans papiers : « quand est-ce qu’on va s’unir pour organiser une grève commune en Europe ? Si on arrête le travail, tout le pays va s’arrêter »

Une grève générale pourrait montrer que sans nous, rien ne fonctionne.

Il y a une nécessité immédiate de commencer la lutte contre l’exploitation et expliquer notre rôle dans la société.

Nous avons besoin de dignité, en particulier avec un salaire juste, des congés, accès à santé, à la formation, une retraite…. Et pour ça, la régularisation immédiate.

Elles ont aussi expliqué qu’il est urgent de faire bouger les lignes à l’intérieur du syndicat pour y arriver : grève des personnes avec et sans papiers.

Il y a du racisme dans le syndicat : il faut y travailler

Aboubacar Dembele et Salif Kanté (CTSPV) lutte des trois piquets de grève Chronopost, RSI et DPD

La grève dure depuis 9 mois et il y a eu plus de 50 manifestations.

Il y a eu une première grève en 2019 qui avait été victorieuse avec 73 régularisations.

Dans les entreprises de colis, c’est l’esclavage moderne mais celui qui se noie se raccrochera même à la queue d’un crocodile (Aboubacar Dembele).

L’État fait la guerre aux sans papiers.

On va lutter jusqu’au bout pour obtenir notre régularisation. Les entreprises nous exploitent et l’État les protège

Un sans papiers : c’est un cadeau fiscal

On est venu vivre paisiblement, nous ne sommes pas dangereux, c’est eux qui sont dangereux. On peut nous réduire au silence, mais on va continuer à dénoncer les patrons voyous, le système

Conclusion

Après un tour de questions, nous avons réaffirmé collectivement la nécessité de poursuivre la lutte avec les Sans Papiers pour leur régularisation, la liberté de circulation et d’installation, la fermeture des centres de rétention.

Les organisations syndicales ont un rôle à jouer pour l’accès réel à l’égalité des droits. Parce que faire avancer les droits des Sans papiers, les plus exploité-es et les plus précaires, c’est faire avancer les droits de tout-es et tous.

Il est nécessaire de s’organiser et de s’unir et lutter pour que ça change.