La caractérisation du harcèlement moral est souvent délicate juridiquement et elle n’est qu’une faible part de la souffrance au travail (harcèlement institutionnel et organisationnel, pressions, stress…). Solidaires recommande de se rapprocher des équipes syndicales pour construire une riposte collective à ce qui apparaît comme une situation individuelle.
Qu’est-ce que le harcèlement moral ?
Ce sont des agissements répétés qui portent atteinte aux droits et à la dignité d’une personne : remarques désobligeantes, intimidations, insultes… Ces agissements entraînent une dégradation de ses conditions de travail et peuvent altérer sa santé physique ou mentale ainsi que compromettre son avenir professionnel. Ces agissements sont interdits, même en l’absence de lien hiérarchique entre la cible et l’auteur ou l’autrice des faits.
Les victimes de harcèlement moral peuvent bénéficier de la protection de la loi, qu’elles soient salariées, stagiaires ou apprenties.
Pour les victimes ou les témoins de harcèlement moral, quels sont les recours possibles ?
Les salarié·e·s victimes ou témoins de harcèlement moral peuvent intenter une action en justice auprès du conseil de prud’hommes pour faire cesser ces agissements et demander réparation du préjudice subi.
Le/la plaignant·e doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie incriminée de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge formera sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Toute organisation syndicale représentative dans l’entreprise, avec l’accord écrit du/de la salarié·e, peut engager à sa place une action devant le conseil de prud’hommes et se porter partie civile devant le juge pénal. Le/la salarié·e peut toujours intervenir à l’instance ainsi engagée et y mettre fin à tout moment.
Quelle protection existe pour les victimes et les témoins de harcèlement moral ?
La protection concerne le/la salarié·e qui a subi ou refusé de subir des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, ainsi que celui/celle qui a témoigné de tels agissements ou les a relatés, quels que soient son ancienneté, son statut, même s’il est en période d’essai, en stage ou en formation, l’activité et la taille de l’entreprise.
Sont interdites toute mesure discriminatoire, toute sanction, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.
Sera nulle toute rupture du contrat de travail prononcée à l’encontre du/de la salarié·e victime ou témoin.
La médiation : dans quelles conditions peut-elle être mise en œuvre ?
Avant tout contentieux, la victime de harcèlement moral ou la personne mise en cause peut engager une procédure de médiation.
Le/la médiateur·trice est choisi·e d’un commun accord entre les parties. Il peut s’agir d’une personne appartenant à l’entreprise. Le/la médiateur·trice s’informe de l’état des relations entre les parties, tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il ou elle consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Si la conciliation échoue, il ou elle les informe des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.
Quelles sanctions à l’encontre de l’auteur de harcèlement moral ?
Tout·e salarié·e ayant procédé à des agissements constitutifs de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire (qui peut aller jusqu’au licenciement).
Le harcèlement moral est un délit puni d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans et d’une amende jusqu’à 30 000 €. La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage du jugement aux frais de la personne condamnée et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu’elle désigne. Ces frais ne peuvent excéder le montant maximum de l’amende encourue.
L’auteur de harcèlement moral peut aussi être condamné à verser des dommages intérêts à sa victime (préjudice moral, frais médicaux…).
Qui est responsable de la prévention en matière de harcèlement moral ?
C’est l’employeur qui doit :
- organiser la prévention, en matière de santé, d’hygiène et de sécurité, dans son entreprise. Il a, pour cela, une totale liberté dans le choix des moyens à mettre en œuvre ;
- prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ;
- informer par tout moyen les salarié·e·s, les stagiaires et les personnes en formation des sanctions pénales relatives au harcèlement moral.
Dans les entreprises et les établissements de 50 salarié·e·s et plus, les dispositions relatives à l’interdiction de toute pratique de harcèlement moral et d’agissements sexistes doivent figurer dans le règlement intérieur. Celui-ci doit indiquer sa date d’entrée en vigueur et être porté, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche.
Dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, le comité social et économique (CSE) peut susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, sexuel et des agissements sexistes.
Les représentant·e·s du personnel au comité social et économique peuvent exercer leur droit d’alerte en cas d’agissements constitutifs de harcèlement moral. Ils/elles doivent saisir l’employeur qui, alors, procède sans délai à une enquête pour mettre fin à cette situation. À défaut, le/la salarié·e ou l’élu·e, avec son accord, peut saisir le référé prud’homal.
La médecine du travail peut proposer des actions de santé au travail dans le but de préserver la santé physique et mentale des salarié·e·s, de prévenir le harcèlement sexuel ou moral, tout au long de leur parcours professionnel.
L’inspection du travail peut intervenir à titre préventif et répressif contre les délits de harcèlement moral et sexuel. Suite au recueil d’une plainte ou d’une alerte, elle peut être amenée à réaliser toutes les mesures d’instruction qu’elle estime utiles au sein de l’entreprise.
Et dans la fonction publique, qu’est-il prévu ?
L’article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a rendu applicable aux agents publics une partie des dispositions adoptées par le législateur pour protéger les salarié·e·s contre le harcèlement moral :
Art. 6 quinquies. – « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Par la loi du 20 avril 2016, ces dispositions sont dorénavant applicables aux agent·e·s non titulaires de droit public.