Sobriété énergétique, services publics et bifurcation écologique
Le gouvernement a lancé son plan de sobriété énergétique début octobre. Prendrait-il conscience de l’inévitabilité des processus climatiques en cours et du retard pris par l’État pour s'adapter ? On peut en douter. Le gouvernement sort des mesures de court terme qui montre sa fébrilité sur la capacité énergétique de la France à passer l’hiver sans délestage voire de panne générale. Entreprises et administrations sont invitées à faire preuve de sobriété énergétique.
Dégradation des contions de travail par les éco-gestes
Achetez des pulls et des couvertures polaires !
Le gouvernement l’a décidé, tous les thermostats des administrations publiques doivent être réglés sur 19 C° max, les 18 C° sont même possibles en cas d’urgence (les jours eco-watts rouge). Les bâtiments publics sont, pour bon nombre d’entre eux, de véritables passoires thermiques qui n’arrivent pas atteindre les 19 C°, ni même les 18 préconisés par le gouvernement. Alors, cet hiver encore, ces bâtiments sur-consommerons de l’énergie pour atteindre le minimum requis !
Le télétravail et la fermeture de bâtiments en vue
Depuis des années, les gouvernements successifs n’ont pas engagé les travaux nécessaires pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments publics. Aujourd’hui, le gouvernement veut faire peser sur les agents de la fonction publique, les frais de cette carence. Il remet au goût du jour le télétravail en vue d’économies de chauffage pour les administrations afin de fermer tout ou partie de bâtiment en regroupant les agent-es sur un site avec un mix télétravail. Pour cela, il annonce une revalorisation de 15 %, de l’indemnité forfaitaire de télétravail qui doit, selon lui, couvrir l’augmentation des prix de l’énergie et des frais que les agents devront payer. Cette augmentation n’interviendra qu’à partir de janvier 2023.
Autres éco-mesurettes à l’œuvre
Encouragement au covoiturage et à la mobilité douce (vélo) avec possibilité de cumuler la prise en charge employeur sur les transports et le forfait mobilité (300 euros par an), promotion de l’éco-conduite à vitesse modérée auprès des agent-es, suppression des écrans dans les halls et les couloirs, et accent mis sur le numérique éco-responsable (ne laissez pas vos appareils en veille !). Mise en place d’« ambassadeurs de la sobriété » dans toutes les administrations et formation à la transition écologique de 25 000 hauts cadres de l’Etat comme autant de « hussards verts de la République » , dixit Christophe Béchu, ministre de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires. Il ne reste plus qu'à sortir des objectifs écoresponsables individuels ! La culpabilisation est à l’œuvre, nous sommes toutes et tous invité-es à changer de comportement...
Pour la bifurcation écologique : Changeons le système, pas le climat !
Le gouvernement fait l’impasse sur les mesures de fond que nécessitent la situation. Ce n’est pas seulement l’hiver 2022/2023 qu’il faut passer, mais tous les hivers et tous les étés. Agir contre le réchauffement climatique et ses conséquences dramatiques nécessite une politique publique de l’environnement déterminée, moyens budgétaires et humains à l’appui. C’est l’inverse que l’on constate année après année.
Des services publics essentiels ont montré leurs limites cet été faute de moyens humains et techniques. Météo France et l’Office national des Forêts (ONF) subissent des suppressions de poste depuis des années : -30 % d’effectifs entre 2006 et 2021 et 80 % des centres de proximité fermés en 10 ans pour le premier ; -30 % d’effectifs en 20 ans pour le second et le contrat Etat/ONF (2021-2025) prévoit à nouveau 500 suppressions de postes.
Les sapeurs-pompiers des SDIS (Service départemental d’Incendie et de Secours) ont également souffert cet été. Une refonte globale de l'organisation de la sécurité civile avec un recrutement massif de sapeurs -pompiers professionnels est nécessaire.
Ces services publics sont essentiels dans le domaine de la prévention des risques et celui de la préservation des milieux.
Plus généralement, les services publics sont le levier de la bifurcation écologique. Leur développement est essentiel pour une action publique au service de l’environnement, notamment dans les transports collectifs urbains et régionaux, dans le secteur de l’énergie et celui de la rénovation énergétique des bâtiments, pour ne citer que les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
Cela implique également le renforcement des moyens budgétaires des collectivités locales. Ces dernières jouent en effet un rôle clef en matière d’urbanisme, de transport publics et d'aménagement des territoires.
L’orientation du gouvernement est tout autre
La rénovation thermique des bâtiments est plus que nécessaire, le délabrement dans ce domaine est patent. Or, le gouvernement n’a prévu que des « travaux à gains rapides » (thermostats intelligents, changement de chaudière, isolation thermique) pour les bâtiments de l’État avec une maigre enveloppe de 150 millions d’euros. Les collectivités locales, pour lesquelles est mis en place un fonds vert, sont renvoyées au principe de libre administration et rien pour l’hospitalier (quid des crédits pour les hôpitaux ?).
Le lancement de programmes d’installation de panneaux photovoltaïques dans les bâtiments de l’Etat est annoncé (rien pour les autres versants), sans crédits fléchés dans le budget 2023. Pourtant l’argent ne manque quand il s’agit de relancer le nucléaire, 52 à 64 milliards pour la construction de 6 centrales nucléaires supplémentaires, selon un rapport gouvernemental.
Pour Solidaires, c’est à la bifurcation écologique et sociale qu’il faut s’atteler. Cela passe par une refonte de la fiscalité qui réponde aux enjeux écologiques et sociaux, et des politiques publiques qui s'appuient sur des services publics au plus près des usagers.