Ce projet de décret a pour objectif de modifier la rédaction de l’article R.4412-98 du code du travail. La reforme de 2012 avait reporté au 1er juillet 2015 une baisse par dix de la valeur admissible d’exposition quotidienne des travailleurs du désamiantage ( dite VLEP). Cette valeur sert de référence pour définir les 3 niveaux de dangerosité des chantiers ( niveaux d’empoussièrement en zone de travail). Puis, en fonction de ces trois différents niveaux, est défini le degré d’exigence des obligations en matière de protection collective et individuelle des salariés au regard de la dangerosité des travaux.
Jusqu’à ce nouveau projet de décret, la rédaction de l’article R4412-98 devait permettre de s’assurer que si l’employeur évaluait bien le niveau de l’empoussièrement sur son chantier (ce qui est pour le moins discutable), ses salariés porteraient toujours un masque suffisamment protecteur et bénéficieraient de protections collectives suffisantes pour assurer le respect de la VLEP sur la journée (la VLEP est calculée sur 8h). Et que donc les salariés ne respireraient pas plus de 100 f/l sur leur journée de travail sans qu’il soit besoin de faire de calculs trop compliqués. Or, au 2 juillet, il est prévu (par le décret d’origine du 12 mai 2012) que la VLEP soit abaissée et passera de 100 à 10 f/l, soit une division de la VLEP par 10 !
Cela aurait dû avoir comme conséquence mécanique, avec la rédaction originale de l’article R.4412-98, de baisser aussi les niveaux maximum d’empoussièrement sur les chantiers de 10 fois. Les employeurs trouvant ces 3 niveaux bien suffisants, ils ne seront pas abaisser par dix comme cela devait se faire au 1er juillet 2015 à l’instar de l’abaissement de la VLEP. Déjà il y a trois ans, le ministère avait fait le cadeau de 3 années aux employeurs ( "qui n'étaient pas prêts") bien que les analyses de l’INRS étaient à ce moment déjà sans ambiguïté : il fallait abaisser massivement le niveau d’exposition des salariés du désamiantage. Sans compter l’autre beau cadeau, on ne prend pas en compte l’ensemble des fibres pour calculer l’exposition des salariés.
En terme de protection des salariés c’est criminel ! Malheureusement nous commençons à être habitué à ce fait de la part du ministère du travail. A quoi auront servi les 3 années de la période transitoire accordée aux employeurs pour progresser ??? Ont-ils avancé en terme d’équipement, de mesures de protection, de robotisation ? Malheureusement non !
Du coup, cette fois, le ministère n'ose plus avancer cet argument mais prétexte le retard pris par l’étude de l’INRS sur la réévaluation des facteurs assignés de protection des appareils de protection respiratoire (APR) pour justifier le report de l’abaissement des niveaux d’empoussièrement. Or une de ces études récentes de l’INRS démontre avec force à quel point les travailleurs sont exposés malgré les masques de protection! Ainsi l’étude montre que sur un chantier de dépose d’un matériau très émissif ( enduit plâtre) dans 50% des cas le maximum réglementaire permis d’empoussièrement ( 25 000 f/l) est dépassé, qu’à l’intérieur des masques les plus protecteurs ( adduction d’air) , les salariés peuvent inhaler plus de 100f/l ( la valeur limite d’exposition professionnelle jusqu’au 1er juillet 2015).
Ce projet de décret va donc permettre aux employeurs de continuer à exposer de manière scandaleuse leurs salarié-es au lieu d'assurer une protection efficace. Pour Solidaires, c'est tout simplement criminel.
Paris, 23 juin 2015