En difficulté dans les sondages, Emmanuel Macron a tenté ce lundi 13 avril un exercice de rattrapage. Son allocution a débuté en reconnaissant des « ratés », des « procédures inutiles » et autres « faiblesses logistiques » dans la gestion chaotique de cette crise sanitaire par le pouvoir, mais tout en assurant désormais de sa parfaite maîtrise de la situation. Il a par ailleurs loué cette population des « riens » qu’il méprisait hier encore, mais en réalité si essentielle à la survie de la nation, tout en faisant ensuite un vibrant plaidoyer à l’innovation et autres concepts flous qui doivent permettre, selon lui, de se sortir de ce mauvais pas. Il s’est agi avant tout de tenter de redonner espoir à une population pour laquelle cette situation de privations de libertés et les injonctions contradictoires (notamment inciter à aller travailler tout en restant confiné-es) pèsent grandement.
Renvoyant en grande partie l’après COVID à d’autres interventions dans les semaines à venir, E. Macron a donc prolongé d’un mois le confinement total, (en dehors des personnes dites vulnérables, sans qu’on sache d’ailleurs à partir de quel âge une personne sera considérée comme âgée), le 11 mai étant la date prévue pour engager un déconfinement progressif. Non sans contradictions difficilement compréhensibles : le travail va reprendre, mais les bars et restaurants, les musées, cinémas, théâtres et autres lieux culturels attendront en revanche le 15 juillet. Les établissements scolaires rouvriront progressivement à partir du 11 mai (sans précisions sur les modalités), mais pas les facs (les étudiant-es n’ont pas besoin d’être gardé-es pour que leurs parents travaillent?). Comment peut-on imaginer sérieusement la réouverture des crèches, écoles, collèges et lycées dans des conditions de sécurité optimale à partir du 11 mai? Les personnels de l’éducation devront-ils se sacrifier pour que les parents puissent retourner travailler et être à leur tour sacrifié-es sur l’autel de l’économie?
Un masque grand public (sans que l’on sache réellement à quoi cela correspond) serait distribué à chacun-e. Mais sans donner de certitude quant à leur livraison et l’équipement de toutes celles et ceux qui devront reprendre leur activité. Seules les personnes présentant des symptômes seront testées, alors que nous savons qu’il existe beaucoup de porteurs-euses sain-es… là aussi il n’y a pas de visibilité sur l’arrivage de tests. Il est à craindre que les intérêts économiques ne l’emportent donc sur les préoccupations de santé…
C’est aussi l’annonce d’une véritable pluie de rustines économiques et sociales pour tenter de boucher les nombreux manques. Parmi lesquels un renforcement des dispositifs de chômage partiel et des fonds de solidarité, des aides au secteur du tourisme, de la culture et à l’hôtellerie, un plan massif pour la recherche et la santé, la volonté de reconstruire une indépendance industrielle et sanitaire. Ont été évoquées également des aides aux familles les plus modestes avec enfants, aux étudiant-es fortement précarisé-es et aux plus démuni-es : tout cela reste extrêmement flou et à plus destination du soutien aux entreprises à l’économie (aides accrues, démarches administratives facilitées, annulations de charges...), qu’en soutien des travailleur-euses, et des précaires et personnes en difficultés. S’il s’est bien gardé de commenter la récente sortie patronale sur le « travailler plus », force est de constater que c’est essentiellement l’économie qui est encore choyée par Macron.
Depuis le 17 mars, voici les pratiques patronales qui nous remontent, via le Numéro vert* et l’engagement sur le terrain de nos militant-es : des règles de santé au travail bafouées en obligeant les personnes à travailler sans protection, des fraudes au chômage partiel et des ruptures abusives en périodes d’essai, des pressions et chantages sur le droit de retrait, les congés… tout cela en totale impunité. Les travailleurs/euses paient déjà un lourd tribut économique et social à cette situation sanitaire. Les annonces ne répondent aucunement à ces situations bien concrètes depuis un mois, qui vont tendre à s’accélérer avec une reprise du travail fixée au 11 mai, dans un flou dangereux. Et aucun mot sur la date d’une fin des dérogations au droit du travail qui sont sans précédent!
Quant à la protection des libertés, on peut craindre qu’elle soit également une victime collatérale. Fermeture des frontières de l’espace Schengen aux voyageurs et voyageuses, système de localisation/traçage des malades du COVID par technologie bluetooth (pour l’instant utilisé par les seul-es volontaires) mais qui risque un jour d’être détourné à d’autres fins. Même en période d’état d’urgence sanitaire, les violences policières n’ont pas cessé notamment dans les quartiers populaires.
Plus encore en cette période, Solidaires sera aux côtés des travailleurs-euses, des classes populaires et des discriminé-es pour défendre leurs droits et leur santé et engager les actions -comme actuellement chez Amazon- et construire le rapport de force pour les faire respecter.
Les jours heureux reviendront, nous dit E. Macron, parodiant ainsi les mots du Conseil national de la résistance... Nous ne sommes pas dupes, nous n’oublierons pas, le prix payé en mort-es des politiques menées à l’encontre du bien collectif, des services publics, et les aggravations des inégalités sociales qui ont été le leitmotiv de politiques libérales et du système capitaliste. Santé, protection sociale, écologie, féminisme, tels sont nos choix pour une société vivable et solidaires, et nous nous battrons pour les gagner !
*numéro vert de Solidaires 0 805 37 21 34 pour tout renseignement sur ses droits en cette période de pandémie