Au tour de la justice et ainsi des conseils des prud’hommes de se confronter aux ordonnances Macron. Et ce n’est pas parce que le mouvement social n’avait pas été en capacité à l’automne 2017 d’obtenir le retrait de ces textes régressifs que la justice entend ne rien dire sur les régressions sociales que Macron a fait passer en force.
Ainsi de l’une des mesures emblématiques comme le plafonnement obligatoire des indemnités en cas de licenciement abusif sur laquelle une jurisprudence intéressante pour les droits de salarié-es pourrait donc bien se construire.
En effet, si le conseil des prud’hommes du Mans avait jugé le plafonnement des indemnités prud’hommes conforme à l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT et refusé l’applicabilité directe en droit français de l’article 24 de la Charte sociale européenne, tel ne fut pas le cas du conseil de Troyes le 13 décembre dernier.
Celui-ci a ainsi jugé que cet article était applicable directement, prenant appui sur un arrêt du Conseil d’État en 2014 statuant en ce sens ainsi que sur diverses décisions de la Cour de Cassation ayant pris une position analogue concernant deux autres articles (5 et 6) de la dite charte. Et conclut par conséquent à l’inconventionnabilité et donc l’irrégularité du plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Aussi, malgré le fait qu’il faudra certainement attendre que la Cour de Cassation se prononce tant il paraît probable que cette décision intéressante sera contestée, c’est une première pierre importante lancée dans le jardin de la macronie et qui si elle était confirmée porterait sérieusement atteinte à la crédibilité de sa réforme du code du travail.
Il est rappelé à ce sujet que le barémisation des indemnités prud’homales est une mesure d’autant plus inepte qu’elle restreint le pouvoir d’appréciation et de sanction du juge et constitue donc une atteinte inadmissible à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de la justice, fondement de toute démocratie.
Sentant le danger d’une construction d’une telle jurisprudence, la Macronie n’a pas tardé à réagir. Mais sans doute peu à l’aise sur le fond, faisant ainsi référence à une décision du Conseil d’État inapplicable au cas d’espèce, la direction générale du travail et sa ministre Murielle Pénicaud ont préféré s’en prendre au défaut supposé de « formation juridique » des juges prud’homaux (on se doute salarié-es) qui ne sauraient en quelque sorte pas bien lire les textes. Discréditer la compétence des juges pour mieux taire les arguments au fond est un procédé régulier et douteux qui jette l’opprobre non seulement sur les juges, mais également sur leurs instituts de formation ; c’est une nouvelle fois une entorse grave à la stricte séparation des pouvoirs dont l’exécutif aurait cependant avantage à en faire une stricte application, lui qui n’est jamais avare de déclarer qu’il faut que « la justice fasse son travail »... enfin quand il espère que celle-ci ira dans son sens. Surtout, le fait que ce plafonnement est contraire aux dispositions internationales qui s’imposent à notre pays n’est pas un argument nouveau. Celui-ci avait été opposé en 2016 à une législation finlandaise analogue et qui avait été en l’occurrence censurée. Il a donc toutes les chances de pouvoir prospérer contre les ordonnances Macron.
Alors plutôt que de marcher sur les platebandes de la justice, l’exécutif serait avisé de la laisser faire son travail ! La démocratie ne s’en portera que mieux !
Paris le 27 décembre 2018