À la fin du mois d'avril, en plein confinement, le Gouvernement publiait une ordonnance et un décret réduisant à peau de chagrin les délais accordés aux représentants du personnel et à leurs experts pour émettre leur avis sur les projets et décisions des employeurs.
Au nom de l'urgence sanitaire, le droit de regard et de contestation des salarié-es, pourtant garanti par la constitution et la législation européenne était relégué au second plan et transformé en simple formalité. C'est le grand retour de l'employeur seul juge et des salarié.e.s spectateurs.trices et exécutant.e.s dociles. Singulière conception de la "réinvention " chère au Président de la République que cet employeur omniscient dont les décisions forcément avisées ne sauraient être perturbées par quelques gêneurs et gêneuses.
Mais dans sa frénétique fuite en avant, dans sa volonté de satisfaire les exigences du Medef, le gouvernement a oublié un détail. Lorsqu'il agit par ordonnance, le Gouvernement ne peut aller au-delà de l'habilitation qui lui a été donnée par le Parlement. Or, à ce jour, et malgré la profusion de textes publiés depuis la mi-mars, aucune loi d'habilitation n'a autorisé le Gouvernement à réduire, par ordonnance, les délais de consultation des représentant.es du personnel, indispensable à l’exercice de ses missions de protection des intérêts des salarié.e.s.
Cela signifie que cette ordonnance, qui, jusqu'à sa ratification, n'a de valeur que réglementaire, outrepasse le mandat donné au Gouvernement et est donc illégale. Le Syndicat des avocats de France et l’union syndicale Solidaires ont donc décidé de saisir le Conseil d'Etat d'une requête en annulation des dispositions réduisant les délais de consultation des représentant.e.s du personnel.
Espérant que la Haute Juridiction administrative saura rappeler au Gouvernement que son pouvoir n'est pas sans limite et, par la même occasion, redonner aux salarié.e.s leur place, indispensable, dans la détermination des conditions de la reprise de l'activité de leurs entreprises à commencer par la préservation de leur santé.