Voilà plus d’une semaine qu’ils et elles se succèdent dans les différents médias pour vanter les mérites de leur réforme. « De nouveaux droits sont créés ! » L’argument est bien maigre face au cataclysme que vont engendrer les nouvelles mesures liées à l’indemnisation du chômage.
60 000 bénéficiaires avec de nouveaux droits ?
L’étude d’impact réalisée dans le cadre de la Loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel en avril 2018 estimait le nombre de bénéficiaires de ces nouveaux droits à 60 000 tout au plus : 17 000 à 30 000 pour les démissionnaires et 29 300 pour les travailleur·euses indépendant·es.
Mais ce que les défenseur·ses de la réforme expliquent moins, c’est le parcours du/de la combattant·e et/ou les conditions restrictives pour y accéder.
Les démissionnaires devront justifier de 5 ans d’activité continue et d’un projet de reconversion ou de création d’entreprise travaillé dans le cadre du Conseil en Evolution Professionnelle (CEP) puis validé par une Commission Paritaire Interprofessionnelle Régionale (CPIR).
Les indépendant·es devront quant à eux / elles avoir exercé leur activité pendant au moins deux ans, au titre d’une seule et même entreprise, avec un chiffre d’affaire annuel moyen minimal de 10 000 euros sur les deux dernières années. La cessation d’activité devra être le résultat d’une liquidation ou d’un redressement judiciaire avec éviction du / de la dirigeant·e.
Et 1 300 000 perdant·es
Face à ces « nouveaux droits », on trouve des mesures liées aux nouvelles règles d’indemnisation. Et quelles mesures ! Allongement de la durée d’affiliation sur une période plus courte pour ouvrir des droits (6 mois sur 24 au lieu de 4 sur 28 pour les moins de 53 ans), mise en place de la dégressivité pour les hauts revenus à partir du 7e mois et, au 1er avril 2020, un nouveau calcul du Salaire Journalier de Référence (SJR) donc du montant de l’allocation chômage (ARE).
La note d’impact de l’UNEDIC publiée en septembre dernier est sans appel : d’ici à mars 2021, 1,3 million de privé·es d’emploi sera impacté, soit un·e chômeur·euse sur deux ! Certain·es verront la durée de leurs droits réduite du fait d’une période d’affiliation plus courte, d’autres ouvriront (ou pas) des droits plus tard, le temps d’obtenir les 6 mois d’affiliation requis, y compris en cas de rechargement, au lieu d’un seul mois auparavant.
Quant à celles et ceux qui perdront leur emploi à compter du 1er avril prochain, le montant de leur allocation pourra baisser drastiquement en cas de permittence (alternance de périodes d’emploi et de chômage, par exemple 6 mois de travail échelonnés sur 12 mois).
Alors le gouvernement et son service après-vente argumentent. Certes, l’allocation mensuelle diminuera mais la durée du droit augmentera. Il n’y aura donc pas de réduction du montant global du droit ouvert ! Sauf qu’il y a une différence entre (sur)vivre avec 850 euros pendant 6 mois et 500 euros pendant 12 mois.
D’ici à fin 2022, l’UNEDIC estime que les dépenses liées à ces nouvelles règles baisseront de 6 milliards d’euros.
Cette réforme, loin de protéger les plus fragiles, va faire plonger dans la précarité toutes celles et tous ceux qui galèrent au quotidien faute d’avoir un emploi stable, à temps plein : les moins qualifié·es, les jeunes, les femmes mais également les « seniors », appelé·es à rester plus longtemps sur le marché du travail.
Au lieu de lutter contre les chômeur·euses en les contrôlant, en les culpabilisant et en les rendant responsables de leur situation, il serait grand temps de lutter contre la précarité et le chômage, générés par des années de politiques privilégiant le capital au détriment du travail. Car le problème n’est pas le coût du travail mais bel et bien la recherche sans fin du profit ! Il s’agit d’une volonté politique de casser la protection sociale.
Que ce soit pour l’assurance chômage, les retraites, la santé… opposons leur la nôtre, fondée sur une plus juste répartition des richesses.