Convoi syndical pour l’Ukraine, la solidarité syndicale a un nom !

Récit de ceux et celles qui y ont participé...

Dès le début de la guerre en Ukraine, enclanchée par l’invasion russe le 24 février nous avons participé aux actions de solidarité et commencé à réfléchir à ce que nous pouvions faire comme organisation syndicale. Grace à notre implication dans le travail international, nous avons eu rapidement des contacts sur place et décidé de préparer un convoi syndical de solidarité.

Deux initiatives de convois syndicaux ont eu lieu à ce jour. La première, organisée par le Réseau syndical international de solidarité et de luttes (RSISL) a permis d’envoyer une délégation et du matériel fin avril en Ukraine, initiative à laquelle Solidaires a participé au côté de la CSP-Conlutas du Brésil, de OZZIP de Pologne, des ADL-Cobas d’Italie.

En parallèle, en France, nous avons initié avec la CGT et la FSU, une intersyndicale qui réunit aujourd’hui toutes les organisations pour préparer un convoi intersyndical. Dans ce cadre, une première action a été menée à la fin du mois de juin pour laquelle une délégation à laquelle Solidaires a participé à amener deux véhicules Renault Trafic obtenus par les organisations syndicales de Renault, pour chacune des centrales syndicales d’Ukraine, la FPU et la KVPU.

Cette chronique raconte ces deux premières initiatives. D’autres sont programmées : à nouveau via le RSISL cet été et rapidement aussi par l’envoi de wagons obtenus grâce à SUD Rail et remplis de matériel par l’intersyndicale.

Les collectes ont permis de réunir des fonds pour la solidarité avec les syndicalistes qui se battent dans la défense civile et pour les réfugié·es à l’intérieur du pays. La guerre n’est pas finie, il est utile de continuer à marquer notre soutien aux syndicats qui se battent contre l’envahisseur et aussi contre les réformes du droit du travail de leur propre gouvernement. La solidarité internationale, pour Solidaires, c’est bien cela !

On peut verser sur le compte du Convoi syndical : virement sur le compte FR12 2004 1000 0127 9649 6A02 006 – PSSTFRPPPAR à La Banque postale, Centre financier Paris ; ou chèques à l’ordre de « Convoi syndical » à envoyer à Solidaires, 31 rue de la Grange aux belles, 75010 Paris.

Quelques jours en Ukraine

Le Réseau syndical international de solidarité et de luttes (RSISL) dont fait partie Solidaires, a décidé d’organiser un premier convoi vers l’Ukraine fin avril, profitant de la rencontre de ce réseau à Dijon en avril 2022. Étaient partant·es pour ce convoi, des camarades du CSP-Conlutas brésilien, de l’ADL-Cobas italien, de l’IP polonais et de Solidaires.

Nous nous sommes toutes et tous retrouvé·es à Varsovie et de là départ vers la ville de Lviv, en Ukraine, avec une camionnette remplie de 800 kg de matériel, une camionnette pour le transport des Brésiliens et les Italiens et les Français avons voyagé avec le bus de ligne qui joint régulièrement Varsovie à Lviv.

Il n’y avait que des femmes et des enfants dans ce bus, toutes et tous ukrainien·nes retournant dans leur pays, momentanément ou définitivement.

Les seuls hommes présents faisaient partie de notre délégation ou étaient des bénévoles comme nous.

À mi-chemin entre Varsovie et la frontière ukrainienne, halte dans la ville de Lublin où tout est fait pour accueillir le mieux possible les réfugié·es ukrainien·nes, avec des dépôts de nourriture, des habits, des jouets, des produits de première nécessité... Et dès la descente du bus, de la nourriture, des boissons et des WC gratuits pour toutes ces femmes et leurs enfants.

On retrouvera ces stands de nourriture, boissons, doudous pour enfants, habits, etc., à la frontière, à l’aller et au retour

Après la frontière, changement de paysage et la région a l’air plus pauvre. Beaucoup de champs cultivés, des fermes, beaucoup de femmes dans les champs.

À l’arrivée à Lviv, un check-point nous oblige à ressortir nos passeports et nos invitations en tant que bénévoles, et toujours la petite angoisse d’être rejeté·es, de ne pas pouvoir continuer. Heureusement, ils n’ont pas vérifié nos portables, qui n’étaient peut-être pas assez propres, malgré le « nettoyage » opéré dans la chambre d’hôtel de Varsovie la veille. Et ils ne fouillent pas nos bagages, qui ont aussi été « nettoyés » avant le départ.

Nous voyons des barricades, à l’entrée de la ville, avec des drapeaux ukrainiens mais aussi un drapeau rouge et noir symbole du nationalisme radical ukrainien. C’est le seul qu’on ait vu.

Les rues de Lviv sont peu fréquentées mais pas totalement vides. Quelques personnes dans les parcs. Tout cela dans un grand silence impressionnant, comme une retenue.

Le soupiraux des caves sont protégés par des sacs de sable, beaucoup de vitres sont scotchées au chaterton pour éviter les projections, les grandes portes des halls d’entrée, fermées par des baches ...

Durant la première nuit, il paraît qu’il y a eu deux alertes... les trois français, dormant dans la même chambre, n’avons rien entendu, on a dormi sur nos six oreilles ! Heureusement, ces alertes ne sont pas toutes significatives, elles préviennent simplement qu’il y a un bombardement quelque part en Ukraine. Mais dorénavant, on ne fermera plus la porte de la chambre à clé...

Le lendemain, en cherchant un endroit dans le centre où imprimer des textes, on tombe sur un petit marché. On achète quelques babioles à des dames ravies d’avoir des clients et qui n’en finissent pas de nous remercier, ça en est gênant. Et on repart avec des petits cadeaux en plus. Moi j’hérite d’un magnet avec la célèbre phrase du capitaine du tanker géorgien qui a refusé de ravitailler un navire russe, « Allez vous faire voir, putains d’occupants ».

Près des stations d’autobus, on assiste à des scènes poignantes, de jeunes soldats disant au revoir à leurs femmes et leurs enfants.

J’ai vu beaucoup de premiers mai, depuis que je milite, mais je me souviendrai longtemps du 1er mai 2022 à Lviv !

Nous nous retrouvons toutes et tous dans la Maison de la Culture qui est aussi un symbole de lutte depuis le début du XXème siècle.

Dès notre arrivée, nous sommes accueillis chaleureusement par les camarades ukrainien·nes.

Vitaliy, secrétaire de Sotsialniy Rukh, tient à nous dire ce que cela représente pour eux, notre venue à Lviv : “Bien sûr, certains personnes importantes envoient de l’argent, des dons, c’est bien, on en a besoin et cela satisfait leur conscience, mais vous, vous venez jusqu’à nous pour nous apporter votre soutien, c’est mieux, et vous c’est le peuple, et vous êtes des camarades syndicalistes !”. Et il nous enlace chaleureusement.

Vu que nous ne pouvons pas défiler dans les rues, ces camarades ont organisé une conférence appelée « Les dimensions de la guerre », où on parlera de la guerre, de ses conséquences politiques et sociales, des lois anti-sociales que subissent les travailleuses et travailleurs, de la violence faite aux femmes, de la part des russes, mais aussi de la part de leurs conjoints et de la dette ukrainienne.

Nous on a contribué en préparant des banderoles internationalistes, la veille, sur la terrasse de l’hôtel.

Ce fut une journée très enrichissante avec des contacts très intéressants et des traductrices très efficaces. Un beau Premier Mai !

Avant de se quitter, repas dans un restaurant, très chaleureux et cela nous rapproche encore plus des camarades ukrainien.ne.s.

À bientôt, pour un prochain convoi !

Hortensia

Court récit de solidarité

Court récit personnel du premier convoi syndical et internationaliste en soutien au peuple ukrainien du 28 avril au 2 mai 2022.

Nous sommes le vendredi 22 avril 2022 aux 4èmes rencontres du RSISL à Dijon. Nous profitons de ce moment pour organiser une rencontre avec les syndicalistes brésiliens et polonais afin de finaliser notre convoi de solidarité internationale pour nos camarades d’Ukraine. Une bonne heure d’échanges pour peaufiner l’organisation mise en place par le syndicat IP de Pologne qui nous emmènera de Varsovie à Lviv. Les choses sont calées afin de nous permettre d’aller de la façon la plus sûre dans un pays en guerre pour apporter de l’aide matérielle, mais aussi transmettre quelques mots de réconfort, des gestes de soutien... Cette solidarité humaine dont aucune puissance ou bloc militaire ne doit nous priver.

La délégation de notre Réseau syndical international de solidarité et de luttes se compose au fil de l’après-midi du jeudi 28 mai dans un hôtel de Varsovie. Nous retrouvons les camarades de la CSP-Conlutas qui étaient déjà sur place depuis quelques jours. Les représentant·es italien·nes arrivent en milieu d’après-midi... et nous faisons connaissance, lors de la réunion de briefing, avec les autrichien·nes et le camarade lituanien. Nous nous retrouvons toutes et tous dans une salle de réunion de l’hôtel pour préparer les derniers détails du convoi et surtout écouter les recommandations de celles et ceux qui avaient déjà passé la frontière il y a quelques semaines. Nous allons nous rendre dans un pays en guerre où l’ennemi peut être de partout ; nous devons prendre des mesures pour éviter, par exemple des soupçons d’espionnage lors de nombreux contrôles qui peuvent nous attendre (suppression d’images, documents faisant un lien avec le communisme, ne pas avoir de nom à consonnance russe dans son téléphone, ...). Pour passer la frontière, la délégation sera divisée en trois groupes : un qui empruntera un bus régulier entre Varsovie et Lviv, le second sera dans le minibus loué par les camarades polonais et le dernier conduira la camionnette avec le matériel acheté en Pologne. Aucune solution n’est plus rassurante que l’autre ; nous espérons toutes et tous nous retrouver à Lviv et que personne ne soit bloqué à la frontière.

Les français·es, nous faisons partie du 1er groupe et embarquons dans un flixbus au départ de la gare routière de Varsovie. Très rapidement, nous ressentons les douleurs de la guerre en s’asseyant dans cet autocar qui est rempli en très grande majorité de femmes et d’enfants qui ont décidé de retourner en Ukraine. Les jouets et les doudous sont nombreux dans les rangées pour occuper les enfants durant ce trajet de 10 heures environ. C’est le genre de voyage où le silence s’impose de fait.

Le passage des frontières polonaises et ukrainiennes se fait au bout de deux heures. Pour l’aller, on peut parler plutôt de formalité du côté de la Pologne, ce qui ne sera pas le cas pour le retour.

Les militaires ukrainien·nes sont plus interrogatif·ves et réquisitionneront nos passeports durant plusieurs minutes. Dès les premiers kilomètres parcourus sur le sol ukrainien, nous avons la confirmation (même s’il n’y en avait pas besoin) d’être dans un pays qui est en train d’être envahi. Les chicanes sont nombreuses sur la route nationale qui va jusqu’à Lviv. Les accès aux villages ou villes que nous traversons sont condamnés par des blocs de béton ; il n’est laissé qu’un seul passage qui est « protégé » par des sacs de guerre, des abris et des voitures béliers. L’entrée dans cette grande ville de l’ouest de l’Ukraine, Lviv, est contrôlée par les militaires. À un checkpoint, un nouveau contrôle des passeports et quelques questions « du pourquoi » de notre venue ici... avant d’atteindre la gare routière de Lviv qui est accolée à la gare ferroviaire. Durant notre trajet, nous avions été au courant que les deux autres véhicules avaient passé les frontières sans incident... nous passerions ainsi notre première nuit toutes et tous ensemble.

Nous sommes resté·es deux jours complets et trois nuits à Lviv. Le premier jour (le samedi 30 avril) nous avons apporté le matériel dans un sous-sol d’un immeuble dont la construction s’était interrompue. C’est l’occasion de rencontrer physiquement Vitali, Youri et Alexander... ces syndicalistes que nous n’avions vu que par visioconférence ces dernières semaines ou avec qui nous avions parlé via Telegram.

Nous sentons que le temps presse, que des risques de pillage existent sûrement ; une chaine humaine s’auto-organise pour décharger les tronçonneuses, postes à souder, batteries, nourriture, sacs de couchage...

Ce samedi après-midi, une salle avait été réservée pour deux heures dans la Maison de la Culture de Lviv.

La difficulté de la traduction des langues était dépassée par notre émotion réciproque de se rencontrer et de symboliser notre solidarité internationale par de franches poignées de main et accolades. Très rapidement, nous rentrons dans des échanges approfondis sur la situation sociale, militaire, syndicale... mais aussi sur l’avenir de leur pays et des travailleurs·ses.

Nous rencontrons des camarades qui sont fatigués inévitablement mais sûrement pas résignés·es, qui combattent sans relâche l’invasion de Poutine mais n’oublient pas de critiquer la politique capitaliste et antisociale de Zelensky, qui, malgré l’instant présent horrible et plus qu’incertain avec cette guerre, n’abandonnent pas leurs idéaux.

Nous avons du mal à couper court à nos premières discussions, les échanges se poursuivent sur le trottoir... même si l’une des consignes étaient de ne pas créer des regroupements. Il est évident qu’en compagnie de nos camarades ukrainiens, nous nous sentions plus serein·es. Une réunion non-mixte est improvisée dans un appartement d’une militante féministe du Social Krub.

La fin de journée se terminera sur la terrasse de l’hôtel où l’ensemble de la délégation se croisera pour faire un point de la journée, partager ces émotions et préparer le lendemain.

Passer le 1er mai 2022 en Ukraine ne restera pas que dans la sphère symbolique; elle renforcera mon engagement militant pour renforcer l’internationalisme qui doit être un combat et une nécessité. Les travailleuses et travailleurs étaient privé·es de manifestations pour cette journée internationale ; cela ne nous empêchera de nous retrouver durant plusieurs heures lors d’une conférence intitulée « Dimensions of war ».

Avant de me rendre à la Maison de la Culture, je décide d’aller me recueillir devant un mur de fortune en souvenir des victimes de la guerre dont j’ai appris l’existence via les réseaux sociaux. Il y a du monde qui pleure ce dimanche matin devant ces centaines de photos.

L’ordre du jour proposé et les intervenant·es présent·es lors de la conférence syndicale du dimanche après-midi confirment très rapidement (si cela était encore nécessaire) que nos camarades ukrainien·nes allient à la fois la défense immédiate de leur nation et une reconstruction de leur société différente. Nous ne sommes pas déplacé·es, dans leur pays, pour leur donner des leçons de morale ou délivrer des explications théoriques sur les conséquences de l’impérialisme. Bien au contraire, nous sommes venu·es pour essayer de comprendre un peu mieux ce qu’ils·elles vivent, ressentent, veulent... pour être encore plus efficaces dans notre solidarité.

Une des images fortes qui me revient : le témoignage d’un syndicaliste engagé au combat qui a pris le temps de nous faire parvenir une vidéo en terminant par ce message « Congratulations on the first of may, we will be victorious together ». (« Félicitations pour le premier mai, nous serons victorieux ensemble »).

Comme la veille, la fin de journée se terminera sur la terrasse de l’hôtel mais cette fois-ci certain·es jeunes camarades ukrainien·nes nous auront rejoint malgré le couvre-feu. Nous entendrons encore les sirènes qui signalent que l’Ukraine est bombardée.

Le retour se fera de la même manière pour la délégation. L’ambiance sera encore plus pesante au départ du bus où les hommes accompagnent leurs femmes, enfants, famille... jusqu’à l’intérieur. Le passage aux frontières sera révélateur de la politique d’extrême droite menée par le gouvernement polonais (les contrôles sont beaucoup plus poussés et violents pour les passagers·ères venant d’Ukraine... et d’origine africaine) mais en contradiction avec ces bénévoles, qui, dès nos premiers pas sur le sol polonais, prennent en charge immédiatement les réfugié·es sans aucune discrimination. Le trajet du retour se fera dans le même silence que celui de l’aller mais pas pour les mêmes raisons. Le stress a été remplacé par la tristesse et la colère.

De retour dans l’Union Européenne, j’écrirais trois mots sur un réseau social : bouleversant, révoltant et déterminant. Ce sont ces trois adjectifs qui me viendront sans trop réfléchir... et qui me permettront de répondre à la légitime question de retour en France : « alors comment c’était en Ukraine ? ».

Julien

Deux camionnettes pour les syndicats ukrainiens

Depuis le mois de mars, une démarche intersyndicale a été engagée et réunit aujourd’hui toutes les organisations syndicales françaises (https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/un-convoi-intersyndical-pour-lukraine-appel-unitaire-des-organisations-syndicales-francaises/ https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/internationales/un-convoi-intersyndical-pour-lukraine-point-detape/ ).
L’objectif, au-delà de l‘expression commune d’une solidarité aux travailleurs, travailleuses, aux réfugié·es et à la population d’Ukraine, a été de mettre en place un convoi intersyndical qui amènerait de l’aide en Ukraine.

L’objectif par cette action est d’aider ceux et celles qui sont nos contacts syndicaux là-bas, qui travaillent dans des conditions difficiles et risquent leur vie, et qui sont engagé·es aussi pour certain·es dans la défense civile, pour d’autres dans l’aide aux réfugié·es qui partent de l’est pour se rendre dans l’ouest du pays. C’est aussi de mobiliser les syndicats français par le travail de leurs membres et qui peuvent ainsi trouver des ressources dans leur entreprise. Le dernier point est essentiel : c’est par la rencontre et la discussion avec nos camarades ukrainien·nes que nous pouvons savoir leur appréciation de ce qui se passe, leurs engagements, leurs problèmes liés à la situation de travailleur·euses pendant la guerre. C’est cela, au-delà de nos appréciations sur la guerre, qui fait nos prises de positions et notre solidarité concrètes.

Cette première initiative du convoi intersyndical a été d’acheminer en Ukraine deux véhicules Renault Traffic que Renault a accordé comme geste humanitaire à la demande de syndicats de l’entreprise, menée par la CGT et la CFDT. Dans les faits, ce geste a été plus compliqué qu’annoncé puisque qu’il ne s’agissait pas d’un véritable don et que cela a rendu difficiles toute les démarches pour donner effectivement les véhicules sur place aux syndicats FPU (fédération des syndicats d’Ukraine) et KVPU (fédération des syndicats indépendants).

La CGT et Solidaires ont constitué la délégation chargée d’acheminer les véhicules, composée de 5 personnes dont 4 chauffeur·es, 2 personnes étaient russophones. Il y avait 4 militants de la CGT et une militante de Solidaires. Nos camarades des syndicats ukrainiens avaient organisé un accueil à Oujhorod, ville frontière entre la Slovaquie et l’Ukraine, dans la région de Transcarpatie peu touchée par les opérations militaires russes.

Le départ a eu lieu le 25 juin. Il était important de partir vite car le gouvernement ukrainien avait annoncé la taxation à hauteur de 40% des véhicules d’exportation à partir du 1er juillet. Le voyage a été mouvementé. Nous avons ainsi mis plus de 30 heures à passer la frontière, tachant de régler l’ensemble des problèmes administratifs, Renault ne voulant pas bouger de ses positionnements initiaux. Les démarches ont fini par faire que nous puissions effectivement donner les camionnettes. Elles sont maintenant propriétés des syndicats et immédiatement utiles, celle de la FPU pour les réfugiés à l’ouest de l’Ukraine, celle de la KVPU est partie immédiatement au Donbass pour fournir de l’aide matérielle à la défense civile et aux populations encore sur place.

Les retards liés à ces difficultés à la frontière ont réduit le temps pour les discussions avec les syndicats en dépit d’un accueil très chaleureux et de nombreux remerciements. Mais nous les avons rencontrés et nous avons pu apprécier à quel point cette démarche a été utile pour eux, et combien le soutien de syndicats hors d’Ukraine est important. La FPU (présente dans la région où nous nous trouvions) est le syndicat issu des syndicats de l’ex-URSS, elle n’est plus liée au pouvoir, elle a plusieurs millions de membres, et encore beaucoup de moyens, notamment des centres de vacances et sanatoriums où elle héberge les réfugié·es intérieur·es. La KVPU que nous avons vu en coup de vent est un syndicat indépendant dans lequel sont présentes des parties radicales (avec lesquelles Solidaires est en lien) et d’autres qui le sont moins.

Nous avons vu de nombreuses réfugiées avec leurs enfants. On peut employer le féminin car les hommes sont en général restés sur place soit pour travailler, soit sur le front. Nous avons été hébergé·es dans un sanatorium de la FPU près de la ville de Moukatchevo où près de 500 personnes étaient réfugiées : des femmes, des enfants, des bébés qui grandissent dans des conditions difficiles avec des mères souvent très angoissées. Il n’y a pas de scolarisation organisée par le syndicat (il n’en a pas les moyens), peut être des cours à distance car la période du Covid avait mis en place ce type d’enseignement, mais ce n’est pas certain que tous les enfants en bénéficient. C’est un lieu chaleureux, très bien situé (la Transcarpatie est une région montagneuse) mais les locaux sont vétustes et les chambres sur-occupées. Le syndicat aide certaines personnes pour les biens de première nécessité, parmi celles qui ont le plus de difficultés. Nous avions acheté quelques produits qu’on avait mis dans les camionnettes. Ce don-là était symbolique mais il a été apprécié. Des centres comme celui-ci ont été vendus par la FPU faute de moyens de les entretenir. Il n’est pas certain que de tels lieux privatisés servent de la même façon aujourd’hui. Leur utilisation de ces centres et leur action de solidarité est véritablement utile pour les réfugiées.

La région est épargnée jusqu’à présent par l’armée russe et les signes de la guerre sont plus limités qu’ailleurs : restrictions d’usage de l’électricité mais pas de couvre-feu, pas de barrages sur les routes même s’il y a des sacs de sables par endroits, des panneaux d’affichages pour les soldats et contre les russes, des soldats à la gare d’Oujhorod. C’est une région où les ultra-nationalistes sont peu présent·es. Néanmoins on y voit une grande tristesse partout liée à la présence des réfugiées, des familles séparées, des nouvelles qui tombent régulièrement sur le front, sur les bombardements qui touchent les civils comme celui d’un jardin d’enfant à Kiev ou du centre commercial de Krementchouk pendant que nous étions là-bas.

La situation de gravité est renforcée à la frontière. À l’aller, on voit des voitures qui amènent des enfants pour qu’ils et elles voient leur père, des femmes font du stop car on ne peut pas passer la frontière à pied. D’autres véhicules qui amènent de l’aide. Des immigré·es ukrainien·nes vivant en France qui viennent discuter et constatent avec surprise que les syndicats font ce travail... À notre retour, la frontière est celle de l’exil pour les réfugiées. Les personnes qui sortent avec le bus dans lequel nous nous trouvons le font pour beaucoup pour la première fois. Ce sont des femmes de l’est, essentiellement russophones. Les hommes de 18 à 60 ans n’ont pas le droit de quitter le pays en raison de la mobilisation générale des personnes soumises à la conscription et des réservistes et les mesures sont encore renforcées puisque depuis le début juillet ils ne sont pas autorisés à quitter leur domicile. Il y a des enfants et leurs animaux de compagnie. Cela fait déjà 4 mois de guerre, pour celles et ceux du Donbass, cela a commencé en 2014 et ils et elles vont rejoindre des personnes déjà exilées. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, 4,8 millions de réfugiés d’Ukraine ont été enregistrés à travers l’Europe d’après un décompte établi le 7 juin. On assiste à des coups de fils angoissés, à des adieux des enfants à leur père à la frontière…

Du côté slovaque l’accueil n’est pas une bienvenue (c’est sans doute différent aux postes de frontière avec la Pologne ou la Roumanie). A 4 heures du matin, alors que les personnes sont dans le bus et à la frontière depuis 8 heures du soir, les réfugiées et les enfants sont pressé·es, leurs bagages descendus du bus sont fouillés sans ménagement, les ordres en anglais aboyés pour accélérer le contrôle. Une femme tzigane a droit à un traitement renforcé.

Le retour est long, il fait 40 degrés depuis plusieurs jours. On reçoit encore des messages de remerciements. On sait qu’un des participants s’est vu offrir une carte SIM dans une boutique de Lviv après qu’il ait raconté notre périple. La solidarité des syndicats français est appréciée. Elle doit continuer.

Nous rentrons avec la perspective du train qui va partir avec 3 wagons de biens à destination des syndicats. Nos camarades de SUD rail sont aux premières loges des discussions d’organisation. La mobilisation continue dans les entreprises pour obtenir des dons et toujours pour contribuer financièrement.

Verveine