L’objectif du gouvernement est clairement affiché :
les salarié-es doivent travailler plus longtemps (et pour de petites retraites). But : baisser pour les entreprises les prélèvements obligatoires et le « coût du travail », c’està-dire tous les éléments des revenus des salarié-es. Dans cette logique libérale, pas question d’une véritable reconnaissance de la pénibilité qui générerait davantage des départs anticipés à la retraite pour les métiers pénibles. Le gouvernement a donc décalé de deux ans les départs anticipés, ce qui reporte d’autant la retraite des salarié-es concerné-es.
Départ retardé mais usure professionnelle au même âge qu’avant
Alors que les départs anticipés sont retardés de deux ans par la réforme, l’âge auquel l’usure professionnelle se fait sentir, lui, ne bouge pas, ni l’espérance de vie en bonne santé (64 pour les hommes, 66,5 ans pour les femmes). Les salarié-es concerné-es devront donc essayer de tenir deux ans de plus au travail, dans un état de santé dégradé, à coup d’expédients (arrêts-maladie, antalgiques et anti-inflammatoires…). À défaut, ils seront atteints par la décote, et se retrouveront avec une retraite amoindrie : double peine. La réforme pour inaptitude les guette quand ce n’est pas l’invalidité.
Les métiers pénibles : quid?
Caissières, personnel de nettoyage, aides-soignantes, infirmière-s, aides à la personne, cheminot-es, agentes RATP… l’énumération des métiers pénibles pour lesquels les salarié-es subissent de fortes contraintes physiques est longue, qu’il s’agisse des postures pénibles, port de charges lourdes, vibrations mécaniques, horaires décalés, exposition aux risques chimiques… Les TMS – troubles musculo-squelettiques – sont d’ailleurs à l’origine de 86 % des maladies professionnelles. Pour autant, bien peu bénéficient du départ anticipé à la retraite : seulement 10 000 salarié-es au titre du compte professionnel de prévention ou C2P sur 30 millions d’actifs (chiffre du ministère du Travail)! Ajoutons que ce sont souvent les mêmes qui cumulent bas salaires, conditions de travail dégradées et pénibilité. Les femmes aux métiers invisibilisés voient la pénibilité de leur travail encore moins reconnue que celle des hommes.
Le C2P: un compte individuel de points pénibilité, dans un champ étroit et des seuils d’exposition élevés retenus
Du C3P – compte personnel de prévention de la pénibilité créé en 2014 avec la réforme Touraine –, il ne reste que 6 critères : activités exercées en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés sollicitant tout ou partie du membre supérieur à fréquence élevée et sous cadence contrainte.
Quatre ont été retirés par le présent gouvernement du C3P en 2017 renommé C2P le mot pénibilité ayant en effet été enlevé, Macron ne l’aimant pas (sic). Le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l’exposition aux risques chimiques. Ces 4 critères ne sont pas réintégrés au C2P par le gouvernement. Quant à la pénibilité due aux horaires décalés, elle n’a jamais été reconnue. Il ne suffit pas non plus de rentrer dans les critères de pénibilité du C2P.
Pour être comptabilisé en points, chaque critère comporte des seuils d’exposition, fixés à des niveaux quasi inatteignables. La réforme des retraites abaisse ces seuils de façon cosmétique (ex. : pour le travail de nuit, le seuil de 120 nuits est abaissé à 100 nuits). Résultat : dans les faits, le C2P ne génère aucun droit pour la quasi-totalité des salarié-es exerçant un métier pénible. La légère retouche concernant le seuil d’exposition ne changera pas la donne.
La catégorie active de la fonction publique
Elle comprend 765 000 fonctionnaires sur 5,5 millions d’agent-es publics et se répartit entre 60 % d’agent-es de la fonction publique hospitalière (ASH, aides-soignantes) et 40 % de fonctionnaires assurant des missions d’ordre et de sécurité (douaniers, sapeurs-pompiers, policiers, surveillants pénitentiaires). Elle se traduit par un départ anticipé de deux ans pour les premièr-es et de cinq ans pour les second-es. Solidaires revendique l’extension de la catégorie active aux infiirmièr-es et un départ anticipé de 5 ans pour tout-es pour une égalité F/H. L’avantage de la catégorie active est qu’elle consiste en une reconnaissance de la pénibilité par métier, contrairement au C2P basé sur un compte individuel vide de contenu!
Prévention et reconversion : bien trop souvent un leurre
Tout le monde se prononce pour la prévention et la reconversion, mais sans véritable volonté politique car cela déplait au patronat, elles sont bien difficiles à pratiquer. Quid de la prévention, alors que les conditions de travail se dégradent continuellement? Et il est généralement difficile d’opérer des reconversions pour des effectifs concernés élevés. Dans ces conditions, la mise en place d’un fonds d’usure professionnelle d’un montant de 1 Mds € destiné à la prévention et la reconversion relatifs aux facteurs de pénibilité dits « ergonomiques » à savoir : postures pénibles, port de charges lourdes et vibrations mécaniques sert surtout au gouvernement à botter en touche. Cela lui permet d’éviter la reconnaissance des facteurs de pénibilité en question sous forme de départ anticipé à la retraite. Quant au risque d’exposition chimique, sorti également des critères de pénibilité en 2017, le ministre du Travail a tout simplement déclaré qu’il est interdit… Et hop, l’exposition aux risques chimiques disparaît! Plus besoin de rechercher des solutions. Le comble du cynisme.
Solidaires revendique :
– L’ouverture de négociation interprofessionnelle sur la pénibilité, pour une vraie reconnaissance de la pénibilité par métier (hors C2P, dispositif que nous récusons).
– Pour tou-tes ceux et celles qui exercent des métiers pénibles : un départ anticipé de 5 ans à la retraite sur la base d’un âge légal de départ en retraite à 60 ans (37,5 ans de cotisation).