Après avoir publié en janvier 2021 un document de travail sur « La place de la complémentaire santé et prévoyance en France », le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) a rendu public en janvier 2022 son rapport final. Entre temps, le 19 juillet 2021, le ministre de la santé a demandé au Haut Conseil de mener un travail technique approfondi avec notamment la DREES sur les différents scénarios, en insistant toutefois sur celui qui s’inscrit en rupture avec l’existant.
Quelques constats tirés du rapport
« Par rapport aux pays occidentaux comparables, l’articulation entre Sécurité sociale et assurances maladie complémentaires se singularise en France par le fait que les deux remboursent en très large part les mêmes soins et que le complément apporté par l’assurance complémentaire est considéré comme indispensable à l’accessibilité financière de ces soins […].
[…] Au total, le système actuel est trop complexe, tant pour les assurés que pour les professionnels de santé, inégalitaire, et malgré son coût il ne garantit pas l’accessibilité financière pour tous à des soins essentiels. Le statu quo entrainerait une situation peu supportable sur ces terrains et des évolutions apparaissent nécessaires ».
C’est à partir de ces constats que le Haut Conseil a développé 4 scénarios envisageables, à savoir :
- des améliorations dans le cadre de l’architecture actuelle en limitant notamment les exclusions à la couverture collective pour les actifs et en relevant le seuil d’éligibilité à la complémentaire santé solidaire (C2S) au-delà d’un certain âge pour les retraité·es…
- une assurance complémentaire obligatoire, universelle et mutualisée en étendant la couverture complémentaire santé aux personnes non couvertes avec des variantes de cotisations…
- l’augmentation des taux de remboursement de la Sécurité sociale (voir ci-après).
- un décroisement entre les domaines d’intervention de la Sécurité sociale et des assurances complémentaires en partageant le panier de soins entre panier public et privé. Les complémentaires financeraient intégralement l’optique, les soins et prothèses dentaires, les audioprothèses et l’assurance maladie prendrait en charge à 100 % les dépenses restantes.
Le HCAAM souligne que, contrairement à d’autres rapports, il n’a pas fait des recommandations « afin d’alimenter le débat public et d’éclairer la diversité des choix ouverts aux pouvoirs publics ».
Il est fort regrettable que le débat n’ait non seulement pas eu lieu mais fut escamoté par des organisations - dont la Mutualité Française- vent debout contre le scénario 3.
Dans cet article nous aborderons uniquement ce scénario qui est le plus proche de la revendication portée pas Solidaires en la matière à savoir « pour une sécu à 100 % ».
L’augmentation des taux de remboursement de la Sécurité sociale
En clair, ce scénario vise à mettre un terme au double système de remboursement des dépenses de santé et à confier à l’assurance maladie obligatoire la prise en charge des dépenses de santé à 100 %.
Les grandes caractéristiques de ce scénario
- sur le niveau des dépenses remboursées par la Sécurité sociale :
Les tickets modérateurs seraient supprimés et pris en charge par la Sécurité sociale. Pour d’autres secteurs comme l’optique, le dentaire et les audioprothèses, le panier des soins intégralement remboursés par la sécurité sociale devrait s’appuyer sur celui du « 100 % santé » et pour celui des dispositifs médicaux (prothèses, implants, fauteuils roulants …) il conviendra de définir la liste couverte par la sécurité sociale et imposer des prix limites de vente.
Le coût de l’augmentation des niveaux de remboursement est évalué à 18,8 milliards d’euros.
- sur la régulation des dépenses de santé :
Le rapport insiste sur la nécessité de renforcer la régulation des prix (tarifs conventionnels, produits et prestations remboursables …) pour à la fois maitriser les dépenses et garantir l’accès financier aux soins sans complémentaire santé. En conséquence, il faut réexaminer la politique conventionnelle et notamment la question des dépassements d’honoraires.
- sur le rôle des assurances complémentaires :
Avec une prise en charge à 100 % des dépenses de santé, le champ d’intervention des complémentaires santé serait réduit à celles qui ne sont pas prises en charge par l’assurance maladie. Dans ce cas il serait plus juste de parler d’assurances supplémentaires dont les obligations pourraient être allégées au regard de celles d’aujourd’hui.
Le rapport évoque le devenir des salarié·es, qui du fait de ces évolutions perdraient leur emploi et propose un plan complet d’accompagnement et de reclassement.
Le financement de l’augmentation des taux de remboursement de la sécurité sociale
Comme le dit le rapport « l’augmentation du taux de remboursement des dépenses prises en charge par la Sécurité sociale implique d’augmenter à due proportion ses recettes. Ces augmentations se substitueraient pour les assurés aux primes qu’ils paient aujourd’hui pour les contrats complémentaires, et donc sans augmentation de charges pour eux. » La réforme permettrait même d’économiser les frais de gestion des complémentaires soit 7,6 milliards en 2020.
En conclusion cette option permettrait de satisfaire le principe de solidarité « de chacun selon ses besoins à chacun selon ses moyens », et de :
- renforcer l’équité dans le financement en substituant aux primes d’assurance complémentaire souvent forfaitaires, une contribution tenant compte des revenus ;
- limiter les renoncements aux soins et leurs conséquences délétères en matière sanitaire, en offrant à toutes et tous une couverture à 100 % ;
- restituer aux ménages, une fraction importante des charges de gestion des complémentaires (7,6 Md € en 2020) ;
- simplifier le système, le rendre plus lisible et plus transparent, l’assurance maladie obligatoire intervenant comme assureur unique pour un domaine plus étendu des dépenses.
Cependant le HCAAM ne passe pas sous silence qu’« une réforme de l’articulation entre Sécurité sociale et assurances maladie complémentaires ne permettra pas à elle seule de résoudre l’ensemble des difficultés auxquelles notre système de santé est confronté depuis longtemps (disparités sociales et géographiques d’accès aux soins, soutenabilité des dépenses, meilleure prévention...). En particulier, quelle que soit la réforme qui pourrait être entreprise, le HCAAM rappelle la nécessité d’une démocratisation renforcée du système de santé impliquant tous les acteurs au plus près des territoires et des assurés sociaux ».
Pour Solidaires il est nécessaire d’instaurer un véritable débat public portant sur la nécessité de parvenir à une prise en charge à 100 % des dépenses de santé par l’assurance maladie obligatoire et sur les moyens d’y parvenir.
Rapport du HCAAM - Quatre scénarios polaires d’évolution de l’articulation entre Sécurité sociale et Assurance maladie complémentaire :
https://www.securite-sociale.fr/home/hcaam/zone-main-content/rapports-et-avis-1/rapport-du-hcaam-quatre-scenario.html